on commence toujours ce genre d'histoire par 'il était une fois' ou 'c'est l'histoire de' 
mais ce genre d'histoire raconte traditionnellement celle d'une princesse délivrée de son château fort par son beau prince charmant 


et moi je ne suis pas une princesse, juste une âme perdu dans les limbes qui n'a pas su lever les yeux au bon moment pour frôler le bonheur qu'elle aurait pu avoir, au lieu de n'être que spectatrice d'une vie dans laquelle elle aurait pu tenir le premier rôle 


si j'avais su toucher du bout du doigt l'amour dont je rêvais 
si j'avais pu voir en lui l'image de mes fantasmes nocturnes 
si j'avais voulu connaitre la jouissance d'un partage comme celui-là 

il me suffit de me retourner pour vouloir tout oublier 
oublier la façon que j'ai eu de balayer chaque gestes romantiques qu'il eut envers moi 
oublier tous les sentiments refoulés que j'ai pu avoir lorsque je le regardais ou qu'il posait son regard sur mon corps, ma bouche, mes yeux 
oublier toutes les autres lèvres que j'ai frôlées lorsqu'il n'y avait que les siennes présentes dans mes rêves 

je me dis chaque jour : avance et ne te retourne pas, ne regarde jamais en arrière car tu le regretteras 
en effet 
un petit coup d’œil vers le passé 
je le regrette aussitôt 

je repense à toutes ces fois où il a été là, toutes ces fois où lui seul a été là 
ces soirées que je finissais dans un caniveau, laissée pour morte par tous mes camarades, lorsque je me réveillais couverte de vomis et de honte à cinq heures du matin, le seul numéro que je composais pour me sortir de cette merde, la seule personne dont j'étais sûre qui se préoccupait assez de moi pour traverser Paris et supporter l'odeur de ma peine sur mon tee-shirt, c'était lui 
ces jours passés à pleurer dans mon lit, où je ne faisais que manger jusqu'à m'en faire rendre la totalité, ces journées entières sans sortir de mon lit, ces visionnages incessants du même film triste à mourir, ces jours et ces nuits où j'aurais préféré disparaître plutôt que de renaître, c'est lui qui m'en tirait
il venait m'apporter ma boisson préféré, s'installait dans mon lit après avoir lancé mon dvd favori, il m'enlaçait de ses bras si minces, je me sentais comme une princesse que l'on venait secourir


il était une fois une princesse vidée de ses larmes et de son estomac que son prince venait sauver parce que l'amour dépasse le dégoût 


c'est l'histoire d'un corps sans esprit, une enveloppe vide de sens qui empêche l'être de s'épanouir, 


jamais je ne pensais à ce que moi j'aurais fait pour lui, si les rôles étaient inversés, est-ce que je viendrais le chercher à l'aube à l'autre bout de la ville, est-ce que je le ramasserais sans faire un seul commentaire sur son état, est-ce que je l'aimerai assez pour l'aimer pour le meilleur et pour le pire, dans la santé et dans la maladie? 
la vie en a décidé pour moi lorsqu'elle m'a privé de réflexion, 
incapable de penser, je laissais mon être couler dans ses bras, et mon esprit flotter au rythme de ses rires, 
j'aurais pu passer ma vie à l'écouter rire, parler, et même hurler 


l'amour dépasse la raison 
et j'ai eu tord de ne pas l'aimer plus tôt, de ne pas l'aimer lorsqu'il était temps, 
après la pluie vient le beau temps, j'étais la pluie, elle est le beau temps
un jour, un arc-en-ciel t'a sorti des ténèbres, tu t'es relevé de la folie dont je t'avais enveloppé, tu m'as laissé t'aimer quand il était trop tard, je t'ai laissé m'aimer quand il était trop tôt, 


'quand tu te rendras compte de l'erreur que tu fais il sera trop tard' tu m'as dit un jour 'je serais parti quand tu te réveilleras, reste dans ton sommeil mais ne pleure plus quand je m'envolerai de ta planète' 
je resterai à jamais bloquée dans cette ville, celle du désespoir et de la peine, celle où l'on hait plus qu'on n'aime
tu mérites mieux que ça mon ange 
le jour de ton mariage je t'ai dit 


'est-ce qu'on s'est loupés, dis moi?'


et tes yeux se sont illuminés comme ils le faisaient en réponse à mon sourire lorsqu'on était jeunes, 
un instant j'ai cru que mon sommeil s'était écourté, que tes prédictions étaient fausses, que tu me prendrais dans tes bras pour me consoler, que tu me dirais 'enfin mon amour je t'ai attendue toute ma vie'
le temps d'un instant j'ai cru que je n'étais pas passé à côté de mon existence 
et puis 


la lumière de tes yeux s'en est allé, tu m'as quittée, et tu as dit "oui"

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