le poids des souvenirs
boom boom boom
tout résonnait en moi
au creux de mes oreilles
au creux de mes paupières,
de mon cœur, de mes pieds
tout résonnait et je n'entendais plus rien
je n'écoutais plus rien depuis tout ce temps
des mois, voire des années à avancer tête baissée sans prêter attention aux battements de mon cœur qui s'emballent ou non
sans écouter
sans entendre
et me voilà coincée
prise au piège dans le jeu que je croyais mener
j'ai passé tellement d'instants en étant sûre de moi
sûre de ce que je voulais,
puis certaine de ce que je ne voulais plus,
à jeter tout ce qui me semblait trop lourd à transporter
et à faire demi-tour pour tout récupérer
à peser chaque jour bien trop de poids que je ne pouvais porter
à tomber parce que mes jambes ne supportaient plus cette lourdeur
à patienter quelques temps, allongée sur le sol pour rassembler la force nécessaire pour reposer mes pieds à terre et enfin soulever cette énorme carapace pleine de souvenirs trop lourds
j'ai passé tant de temps à rattraper tous ces moments qui m'échappaient que j'ai arrêté de regarder devant moi
alors cette fois je crois que je ne pourrais pas me relever sans lester quelques souvenirs
et le choix s'avère ardu
assise au milieu de ce trottoir, je regarde les instants de ma vie qui m'entourent et je me demande d'abord pourquoi je les garde si près de moi
malgré la douleur
malgré la honte et la culpabilité
malgré les cœurs brisés dans la bataille
et puis la minute d'après, je me demande comment je vais pouvoir me lever et quitter une partie de ces instants,
comment je vais pouvoir les laisser trainer sur le sol sans essayer de leur trouver une petite place au fond de ma poitrine
quand je m'attarde sur les plus récents, je vois tous les sourires que j'ai loupés, et tous ceux que j'aurais pu donner si je n'avais pas été tournée vers le passé
toute la lumière que j'aurais pu accumuler si je l'avais acceptée
tout l'amour que je pouvais respirer sans compensation, sans un mot de plus, sans devoir rendre la pareille
et les larmes roulent le long de ma joue quand je réalise que je ne vis pas la vie que je vois dans les images
je ne prends pas part aux moments que je regarde
je suis cette âme au-dessus des instants qui se dit "je ne pourrais jamais avoir cette vie" et pourtant elle est là
à la distance d'un bras
prête à être frôlée, acceptée, embrassée
et je ne peux pas
je reste assise sur ce trottoir à regarder dans la rue d'en face, ma vie avancer sans moi
parce que je ne la mérite pas
parce que je ne mérite pas tous ces gens qui me tendent leur bonheur,
leur cœur
leur amour, et leur personne au grand complet
un jour je saurais pourquoi les sentiments glissent sur mon dos sans pouvoir me percer
peut-être qu'il n'y a plus de place
peut-être que mon passé ne me laisse pas de temps pour appréhender ce qu'on m'offre aujourd'hui
mais je ne sais pas ouvrir mes bras pour laisser tomber tout ce qui a été moi une fois
je croise des visages familiers dans mes rêves, dans mes journées, dans mes souvenirs
et je ne peux me résoudre à effacer leur regard sur moi,
les moments vécus quand tout allait bien
avant que je ne gâche tout
j'ai conscience que mon présent sera un jour mon passé, et que je regarderai cette période avec regrets
parce que je n'aurais pas assez profiter des chaleurs, des soleils et des baisers
parce que je n'aurais fait que danser et boire pour éviter les discussions, les mots à échanger, les choses à faire, à ressentir
et qu'un jour je serais partie en courant sans plus jamais me retourner avant cet instant où je pèserai si lourd qu'il me faudra m'affaler sur le bord d'une route pour reprendre des forces avant d'avancer à nouveau
d'ici-là j'aurais surement croisé d'autres regards et tenu d'autres mains,
et je ne serais encore pas capable de relever la tête pour affronter les étoiles qui pétillent et les cœurs battant la chamade,
alors je me replongerai dans ce présent qui sera mon passé
et je regretterai tous les actes manqués,
tous les non dits, et les mots oubliés
toutes ces mains lâchées
par lâcheté ou par peur
et même avec cette pleine conscience, je suis incapable aujourd'hui de garder le cap vers l'avenir qu'on me trace
et je préfère prendre ce pont en essayant tant bien que mal de traîner le poids de tous mes péchés que je finirai par regretter tôt ou tard