un jour j'ai tout lâché 
je ne savais plus que faire de tout ce qu'on me donnait 
je n'avais plus assez de place pour recevoir autant 
j'étais submergée à chaque nouvelle vague  
alors j'ai ouvert mes bras et tout laissé tomber 
j'ai tourné les talons et j'ai abandonné tout ce que je ne pouvais plus porter 

je me suis sentie légère 
libérée d'un poids trop lourd pour ce que je pouvais supporter 
mais bientôt d'autres vagues me tombaient dessus 
et je ne pouvais pas les éviter cette fois 
je me suis retrouvée debout face à la mer déchainée qui ne cessait de venir déposer à mes pieds tout ce que j'avais essayé de digérer 
de cacher 
d'oublier 
bien que je savais que ce ne serait pas possible 
alors cette fois je plonge 
la tête la première dans ces vagues 
dans l'espoir que lorsque j'immergerai, je pourrais nager jusqu'à la côté, essuyer les grains de sables accumulés, et quitter la plage 
sans remord,
sans aucune boule au fond de ma poitrine 
et peut-être un sentiment de liberté.

aujourd'hui je me retrouve confrontée à tout ce que j'avais déjà soigneusement rangé 
c'est comme si chaque jour, j'ouvrais un nouveau tiroir pour en sortir un morceau de souvenir, 
et je les regarde tous sans savoir ce qu'ils attendent de moi, 
ce qu'on attend de moi, 
ni même ce que moi-même j'attends de moi
je ne sais plus grand chose, 
je savais ce que je ne voulais plus, 
mais je ne savais pas que tout allait s'écrouler derrière la porte fermée, je ne l'avais pas ouverte pendant des années, et rien n'avait disparu
la haine, la tristesse, la honte
la colère que tout ça soit encore là, à m'attendre sagement, 
je pensais que le temps évacuerait tout ce dont je pouvais me passer 
que je n'avais pas besoin de travailler pour avancer 
je pensais même avoir avancé, je pensais qu'en me retournant je ne pourrais même plus discerner l'époque où la porte s'est fermée la dernière fois
sauf que je n'ai jamais réussi à la fermer complètement
ça je le savais 
alors quand je me suis propulsée à nouveau dans cette pièce, j'ai su qu'il était temps de commencer à trier, 
de rouvrir les blessures oubliées
et de commencer à les soigner. 

laissez-moi afficher ce sourire sur mon visage pour que vous y croyiez 
laissez-moi avancer à cloche pied sur les débris de mon passé 
laissez-moi continuer à faire ce que j'ai toujours fait et avancer 

c'est comme si je me retrouvais au centre d'une pièce dans la pénombre 
la clarté de la nuit attire mon regard mais je ne peux pas bouger 
je ne peux pas bouger parce que tous me fixent 
tout ce que je n'ai pas terminé 
les relations entamées qui n'ont jamais eu de fin, 
les amours sans retour qui ne se sont jamais envolés, 
tous ceux qui m'ont quittée et que je n'étais pas prête à voir partir 
les souvenirs que je ne peux me résoudre à vouloir oublier 
tous sont le poids de ce que mon corps ne peut plus supporter 
tous sont ce pour quoi je n'arrive plus à poser un pied devant l'autre pour avancer un peu plus
je suis coincée ici tant qu'ils le seront aussi 
et je ne sais par quoi commencer 
j'ai envie de fermer les yeux et de me laisser aller 
mais les évènements se reproduiront encore et encore 
je ne peux plus me cacher derrière l'étiquette d'un bonheur fictif 
derrière l'image d'un couple heureux 
d'une femme sûre d'elle qui ne laisse rien l'atteindre 
en vérité tout m'atteint 
tout m'atteint parce qu'on me frappe toujours au même endroit, 
des blessures minimes, les unes sur les autres, jusqu'à l'hématome trop violet pour feindre qu'il n'est pas là 
laissez-moi croire que je serais toujours celle à l'armure de fer à vos yeux 
laissez-moi me faire croire que je suis cette femme à armure de feu 

je suis partie en tête 
j'ai emporté tout ce dont j'avais peur et je me suis mise à courir 
et lorsque je n'aurais plus aucune force, laissez-moi au sol, je me relèverai 
je l'ai toujours fait 
et puis, quand j'en aurais la capacité, je commencerai à envoyer valser mes morceaux oxydés, 
vers les cieux, 
loin devant, 
loin de moi. 
j'imagine que serais en haut d'une montagne, 
sous le soleil chaud du courage 
face aux plaines et aux rivières réservées à ceux qui l'ont mérité
ceux qui ont su achever les souvenirs inachevés 
ceux qui ont su refermer toutes les plaies 
ceux qui ont la force de courir sans tomber

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